Article ecrit par Maitre Françoise Collin – Avocat Ă la cour –
Rappel : les enseignements progressifs de la jurisprudence
·        Arrêt NIKON (Cass. Soc., 2 octobre 2001) : impossibilité de prendre connaissance du contenu du poste de travail du salarié
Le salariĂ© a droit, mĂŞme au temps et lieu de travail, au respect de l’intimitĂ© de sa vie privĂ©e; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances; l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette libertĂ© fondamentale prendre connaissance des messages personnels Ă©mis par le salariĂ© et reçus par lui grâce Ă un outil informatique mis Ă sa disposition pour son travail et ceci mĂŞme au cas oĂą l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur
·        ArrĂŞt Cathnet-Science (Cass. Soc., 17 mai 2005) : position attĂ©nuĂ©e: l’impossibilitĂ© est limitĂ©e aux fichiers « personnels » et si la consultation a lieu sans que l’intĂ©ressĂ© soit prĂ©sent ou appelĂ©. En outre une rĂ©serva Ă©tĂ© apportĂ©e : la consultation de ces fichiers aurait pu ĂŞtre effectuĂ©e en l’absence du salariĂ© « en cas de risque ou d’Ă©vĂ©nement particulier», ce qui n’était pas le cas en l’espèce    Â
 « … l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiĂ©s par le salariĂ© comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis Ă sa disposition qu’en prĂ©sence de ce dernier ou celui-ci dĂ»ment appelé… »
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·         ArrĂŞts du, 18 octobre 2006 (Cass. Soc.) Ediction d’une prĂ©somption : sont librement consultables par l’employeur, les documents, papier ou numĂ©riques, situĂ©s dans le bureau du salariĂ© sans mention d’un caractère personnelÂ
   Les documents dĂ©tenus par le salariĂ© dans le bureau de l’entreprise mis Ă sa disposition sont, sauf lorsqu’il les identifie comme Ă©tant personnels, prĂ©sumĂ©s avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa prĂ©sence ;Â
  A noter également que dans l’une des deux espèces le salarié « avait procédé volontairement au cryptage de son poste informatique, sans autorisation de la société faisant ainsi obstacle à la consultation » et ainsi  « que le comportement du salarié, qui avait déjà fait l’objet d’une mise en garde au sujet des manipulations sur son ordinateur, rendait impossible le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ».
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·       Chambre Sociale – 16 mai 2007 : utilisation abusive des moyens informatiques : dĂ©couverte  par l’employeur sur le poste de travail du salariĂ© de fichiers Ă caractère pornographique reprĂ©sentant 509 292 989 octets, fichiers qui n’avaient pas Ă©tĂ© identifiĂ©s comme « personnels »
    « le stockage, la structuration, le nombre consĂ©quent de ces fichiers et le temps dès lors consacrĂ© Ă eux par le salariĂ© attestaient d’une mĂ©connaissance par lui de son obligation d’exĂ©cuter les fonctions lui incombant en utilisant le matĂ©riel dont il Ă©tait dotĂ© pour l’accomplissement de ses tâches et qu’ainsi ce comportement empĂŞchait son maintien dans l’entreprise pendant la durĂ©e du prĂ©avis et constituait une faute grave, peu important une absence sur un tel point, de mise en garde, de charte informatique ou de règlement intĂ©rieur ».
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La faute consistait donc dans l’utilisation massive par le salariĂ© du matĂ©riel informatique de l’entreprise Ă des fins privĂ©es l’empĂŞchant d’exĂ©cuter normalement ses fonctions, le caractère pornographique des fichiers litigieux n’entrant pas en ligne de compte
·         Cass. Soc., 23 mai 2007 : application de la rĂ©serve relative au « cas de risque ou d’Ă©vĂ©nement particulier » : l’entreprise soupçonnait un salariĂ© d’entretenir des relations constitutives de manĹ“uvres dĂ©loyales et a demandĂ© au prĂ©sident d’un tribunal de grande instance, au titre de l’article 145 du nouveau code de procĂ©dure civile, de l’autoriser Ă Ă©tablir un constat d’huissier des donnĂ©es contenues dans l’ordinateur mis Ă la disposition du salariĂ© suspectĂ©. La cour de cassation a validĂ© la mesure que le Tribunal avait ordonnĂ©e et qui avait Ă©tĂ© censurĂ©e par la Cout d’Appel :
     « Attendu que pour rétracter l’ordonnance et annuler le procès-verbal dressé par l’huissier, la cour d’appel retient que la mesure d’instruction sollicitée et ordonnée a pour effet de donner à l’employeur connaissance de messages personnels émis et reçus par le salarié et en déduit qu’elle porte atteinte à une liberté fondamentale et n’est pas légalement admissible ;
 Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur avait des motifs légitimes de suspecter des actes de concurrence déloyale et qu’il résultait de ses constatations que l’huissier avait rempli sa mission en présence du salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
·        Cass Coc., 29 janvier 2008 : utilisation par l’employeur des informations obtenues Ă partir du relevĂ© des communications tĂ©lĂ©phoniques d’un salariĂ©Â
     Mais attendu, d’abord, que la simple vérification des relevés de la durée, du coût et des numéros des appels téléphoniques passés à partir de chaque poste édités au moyen de l’autocommutateur téléphonique de l’entreprise ne constitue pas un procédé de surveillance illicite pour n’avoir pas été préalablement porté à la connaissance du salarié ;
    Attendu, ensuite, qu’ayant constaté qu’à de nombreuses reprises, le salarié avait utilisé pendant son temps de travail le poste téléphonique mis à sa disposition pour établir des communications avec des messageries de rencontre entre adultes, alors qu’il savait que cet usage était interdit dans l’entreprise, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé un comportement fautif, a estimé, dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article L.122-14-3 du code du travail, que ces faits constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;
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·          Cass Soc 5 mars 2008 : application au domaine du droit syndical. Un syndicat avait diffusĂ© sur son site internet des informations relatives Ă une sociĂ©tĂ©. La sociĂ©tĂ© a assignĂ© le syndicat en rĂ©fĂ©rĂ© pour en obtenir la suppression de certaines de ces informations (celles relatives Ă sa rentabilitĂ© et aux nĂ©gociations salariales), qu’elle considĂ©rait comme confidentielles. La Cour d’appel de Paris n’a pas suivi la sociĂ©tĂ© dans ses demandes en considĂ©rant que le syndicat bĂ©nĂ©ficiait d’une libertĂ© d’expression en l’absence de toute obligation de confidentialitĂ© pesant sur lui puisqu’il n’avait pas de lien avec l’entreprise. La Cour de cassation, en se basant sur l’article  10-2 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales et sur l’article 1er de la loi du 21 janvier 2004 pour la confiance dans l’Ă©conomie numĂ©rique (LCEN) a ouvert le principe selon lequel la libertĂ© d’expression peut ĂŞtre limitĂ©e, y compris celle d’un syndicat, dans la mesure de ce qui est nĂ©cessaire pour Ă©viter que la divulgation d’informations confidentielles porte atteinte aux droits des tiers.Â
   qu’en se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher si les informations litigieuses avaient un caractère confidentiel et si ce caractère Ă©tait de nature Ă justifier l’interdiction de leur divulgation au regard des intĂ©rĂŞts lĂ©gitimes de l’entreprise, la Cour d’Appel n’a pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă sa dĂ©cision au regard des textes susvisĂ©s ».
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