Article ecrit par Maitre Françoise Collin – Avocat Ă la cour –Â
Depuis un an, plusieurs décisions intéressantes, intervenant appliquées dans le monde informatique, sont à relever : C’est ainsi tout le débat entre opérations illicites et sous-traitance licite qui est posé
Rappel :
·                    Le marchandage est dĂ©fini comme « toute opĂ©ration Ă but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un prĂ©judice au salariĂ© qu’elle concerne ou d’Ă©luder l’application de dispositions lĂ©gales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail. », et demeure une opĂ©ration interdite (Article L8231-1 nouveau du code du travail). Le marchandage est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros. Des peines complĂ©mentaires sont Ă©galement prĂ©vues (Article L8234-1 nouveau du code du travail)Â
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·                     De même les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre demeurent interdites. (Article L8241- 1 nouveau). De telles opérations sont sanctionnées par les mêmes peines principales et complémentaires que le marchandage (Article L8243-1 nouveau).
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·              Cour d’appel PARIS- 6 Juillet 2007 – reconnait le prĂŞt de main d’œuvre illicite
Dans cette espèce, le salariĂ© a Ă©tĂ© engagĂ© en qualitĂ© d’opĂ©rateur dĂ©butant et immĂ©diatement affectĂ© auprès d’une autre entreprise dans le cadre d’un contrat de prestations de service, et justifiait ĂŞtre titulaire d’un diplĂ´me de carreleur et n’avoir aucune formation particulière pour effectuer “tous travaux Ă façon et prestations de service Informatiques, publicitĂ© sous toutes ses formes et crĂ©ation de supports” qui constituent l’activitĂ© de l’employeur. (Critère pris en compte: absence d’apport spĂ©cifique de l’entreprise extĂ©rieure)
ChargĂ© de la gestion des imprimantes, il est ensuite promu pupitreur puis technicien rĂ©seau et il apparaĂ®t dans l’emploi du temps des Ă©quipes de la sociĂ©tĂ© cliente au mĂŞme niveau que les propres salariĂ©s de cette dernière et placĂ© sous le contrĂ´le d’un de ses responsables de service. Un rapport de l’inspection du travail rĂ©vèle que dix salariĂ©s ont ainsi Ă©tĂ© mis Ă disposition du client, dans ses locaux, et travaillent sous les directives de son encadrement, intĂ©grĂ©s dans une Ă©quipe (Critère pris en compte: lien de subordination direct entre les salariĂ©s du prestataire et l’entreprise d’accueil)
 La Cour a relevé en particulier que
–                certes, le contrat d’entreprise prĂ©cise que les deux partenaires ont instituĂ© un comitĂ© de suivi de la rĂ©alisation des prestations, devant se rĂ©unir pĂ©riodiquement et rĂ©diger un procès-verbal, mais aucun procès-verbal n’est produit, et que
–           le coĂ»t annuel forfaitaire de la prestation figurait dans une annexe du contrat commercial mais que la justification de cette somme est donnĂ©e dans une note manuscrite fixant une correspondance en heures de travail et taux horaire. Cette indexation sur un horaire de travail lui a permis d’en dĂ©duire que la rĂ©munĂ©ration constitue le paiement d’un salaire et non pas le prix d’une prestation ; d’ailleurs, chaque mois Ă©tait Ă©tabli un rapport d’activitĂ© signĂ© par le chef de service de la sociĂ©tĂ© cliente portant exclusivement sur les jours et heures de travail du salariĂ©.
Enseignement : il ne suffit pas que le contrat de sous-traitance soit formellement conforme aux exigences légales, il faut encore que la pratique soit conforme aux dispositions du contrat.
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 ·              Cass. Soc.19 mars 2008 (3 arrĂŞts) – PrĂŞt de main d’œuvre illicite rejetĂ©
 Dans plusieurs arrêts du même jour concernant des salariés mis à disposition de la société Hewlett Packard (anciennement Compaq) pour réaliser des prestations informatiques, les salariés se prévalaient que :
–         leurs horaires de travail et demandes de congĂ©s payĂ©s Ă©taient contrĂ´lĂ©es par l’entreprise utilisatrice,
–         ils Ă©taient occupĂ©s principalement sur le site de celle-ci,
–         ils Ă©taient autonomes par rapport Ă la sociĂ©tĂ© prĂŞteuse, cette dernière n’étant ni prĂ©sente ni reprĂ©sentĂ©e sur son lieu de travail,
–         ils assuraient le remplacement des salariĂ©s indisponibles de l’entreprise utilisatrice ;
–         ils Ă©taient intĂ©grĂ©s au personnel de la sociĂ©tĂ© Hewlett Packard,
–         Ils avaient eu des affectations multiples Ă des projets divers auxquels ils contribuaient en remplissant des tâches durables et permanentes intĂ©ressant exclusivement l’entreprise utilisatrice (absence de technicitĂ© propre).
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 « Mais attendu qu’apprĂ©ciant souverainement les Ă©lĂ©ments de fait et de preuve soumis Ă son examen, la cour d’appel a estimĂ© que M. X… mettait en Ĺ“uvre, pour l’exĂ©cution de ses missions, une technicitĂ© propre Ă la sociĂ©tĂ© BEA et qu’il demeurait sous la subordination juridique de celle-ci ; qu’elle en a exactement dĂ©duit que sa mise Ă disposition de la sociĂ©tĂ© Compaq par la sociĂ©tĂ© BEA ne constituait pas une opĂ©ration illicite de prĂŞt de main-d’œuvre, Ă but lucratif »
Enseignement : le critère de la technicité propre de l’entreprise extérieure semble avoir un poids prépondérant dans l’appréciation de la « vraie » sous-traitance
Article ecrit par Maitre Françoise Collin – Avocat Ă la cour –Â
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