« Facebook vous permet de partager des informations et de crĂ©er un environnement ouvert et connectĂ© au monde » peut-on lire sur la page dâaccueil du plus gros site mondial des rĂ©seaux sociaux. Le gĂ©ant serait-il en train de manger ses enfants ? Le Washington Post du 4 septembre 2008 pointe un phĂ©nomĂšne pour le moins paradoxal. Un nombre croissant de membres du rĂ©seau social voient leur profil clĂŽturĂ© Ă lâinsu de leur plein grĂ©, aprĂšs quâils ont envoyĂ© des emails Ă lâensemble de leur rĂ©seau. La raison ? Facebook les assimile Ă des spammeurs car le mĂȘme message est envoyĂ© simultanĂ©ment Ă un grand nombre de membres. Or,
le but des rĂ©seaux sociaux est prĂ©cisĂ©ment dâentretenir un rĂ©seau le plus large possible, le nombre dâamis et de contacts enregistrĂ©s Ă©tant bien souvent perçu comme synonyme dâactivitĂ© sociale intense. Face Ă une dĂ©sactivation de leur profil, les membres concernĂ©s sont Ă©berluĂ©s et furieux : « La seule chose que jâai faite, câest dâutiliser Facebook pour communiquer plus efficacement et il me semble bien que câĂ©tait fait pour ça ! », fulmine Elizabeth Coe qui a vu son profil fermĂ© aprĂšs avoir envoyĂ© un email commun Ă sa centaine dâamis. Lâutilisation de Facebook est devenue tellement rĂ©pandue que de plus en plus de membres lâutilisent Ă des fins professionnelles ou pour lâorganisation dâĂ©vĂ©nements importants : « sâil nâest plus possible de se fier Ă une source dâinformation disponible lorsque jâen ai le plus besoin, ce qui revient Ă utiliser Facebook dans sa fonction premiĂšre, jâai de sĂ©rieuses rĂ©serves pour mâen servir dĂ©sormais Ă crĂ©er des contacts. ». AprĂšs avoir passĂ© des mois Ă structurer un rĂ©seau de contacts, les utilisateurs rejetĂ©s se disent trahis par Facebook ! Ce rĂ©seau social fait ici face Ă la quadrature du cercle : devant des attaques massives de spammeurs de plus en plus importantes, le renforcement de la sĂ©curitĂ© touche des utilisateurs qui utilisent finalement « trop bien » Facebook. Le Post soulĂšve alors cette interrogation fondamentale : « face Ă de tels incidents, la question de savoir qui est possesseur du contenu crĂ©Ă© par un membre sur un rĂ©seau social se pose de façon brĂ»lante ! »
Les entreprises (et en particulier les DSI) font face Ă une pression trĂšs importante des utilisateurs sur les thĂšmes coĂ»ts, lourdeur et contraintes sĂ©curitaires de lâinformatique dâentreprise, manque de rĂ©activité⊠comparĂ©s Ă ce que chacun peut constater sur Internet. LâĂ©cart constatĂ© est dâailleurs tel que les arguments rationnels avancĂ©s par les DSI glissent sans trouver la moindre prise.
La mĂ©saventure vĂ©cue par les nombreux facebookers ne reprĂ©sente-t-elle pas une excellente opportunitĂ© pour expliquer aux utilisateurs les contraintes de lâinformatique professionnelle ? Par exemple, faire comprendre que tout service informatique, aussi anodin soit-il en apparence -en lâoccurrence un service pour dĂ©velopper et entretenir son rĂ©seau dâamis- peut au final se rĂ©vĂ©ler, Ă lâusage, sinon stratĂ©gique du moins critique. Et quand cet outil prend une telle place dans sa
vie, ne plus pouvoir lâutiliser devient assurĂ©ment un vrai problĂšme, faute dâĂ©tude prĂ©alable sĂ©rieuse…
Quel gain de maturitĂ© pour les utilisateurs qui dĂ©couvriront alors la lĂ©gitimation incontestable des Ă©tudes prĂ©alables « bien faites », pour Ă©viter la dĂ©pendance envers un fournisseur qui peut sâinsinuer sans le moindre signal avant-coureur ; des modĂšles Ă©conomiques « raisonnablement » onĂ©reux, oĂč la propriĂ©tĂ© des donnĂ©es est traitĂ©e correctement pour permettre, par exemple, de les migrer vers un autre fournisseur en cas de problĂšme ; des contrĂŽles « raisonnables », du gestionnaire de rĂ©seau, qui doit limiter les flux indĂ©sirables pour des raisons de sĂ©curitĂ© et dâoptimisation de lâinfrastructure, mais aussi et surtout pour conserver la valeur du rĂ©seau (puisque les messages importuns dĂ©truisent la valeur du rĂ©seau). Bref, lâinformatique grand-public est peut-ĂȘtre en train de faire comprendre aux internautes les enjeux et les contraintes de lâinformatique dâentreprise. Une histoire Ă diffuser sans modĂ©ration, nâest-ce pas ? Facebook pourrait devenir lâami de tous les DSIâŠ