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VENTE EN LIGNE ET CONDITIONS GENERALES par

Vous souhaitez vous lancer dans une activité e-commerce sans pour autant engager des investissements importants. La tentation est forte alors de surfer sur les sites de sociétés concurrentes ou de sociétés de renommée (E-bay, la Fnac..) pour s’inspirer fortement du contenu de leurs sites et plus particulièrement de leurs conditions générales de vente en ligne.

 

Attention, de tels agissements peuvent être lourdement sanctionnés. Une décision récente nous en donne un éclairage intéressant. Par ailleurs, les règles juridiques en matière de vente en ligne sont strictes et imposent une connaissance approfondie des textes applicables pour que le site web soit « en règle ».

1.    Sanction de la reprise des conditions générales de vente d’un tiers

 

1.1 Le terrain de l’atteinte aux droits d’auteur.

 

Quand on se réfère à une reprise « in extenso » ou une « copie servile », l’action en justice à laquelle on pense spontanément est l’action en contrefaçon.

 

Cette action vise en effet à sanctionner la reproduction ou l’imitation d’une œuvre protégée au titre du droit d’auteur : « Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi » (Article 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ).

 

Pour autant, des conditions générales de vente en ligne, qui nécessitent, certes, un travail intellectuel et un savoir-faire juridique, sont-elles protégeables au titre du droit d’auteur ?

 

Le Code de propriété intellectuelle protège « les œuvres de l’esprit », quelque soit leur genre, leur forme d’expression, leur mérite ou leur destination, en accordant à leur auteur « un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous » (Article L111.1 du code de propriété intellectuelle). Ce droit naît au profit de l’auteur du seul fait de sa création, sans qu’aucune formalité ou dépôt ne soit nécessaire. Il est accordé en France pour une durée de 70 ans suivant la mort de l’auteur (personne physique).

 

Cette protection n’est cependant accordée qu’aux seules œuvres de l’esprit ayant atteint un certain degré de formalisation et revêtant un caractère d’originalité. Cette notion d’originalité s’entend non pas de la nouveauté mais de l’expression de la personnalité de l’auteur, de la manière personnelle qu’il a de formaliser l’oeuvre.

 

Les juges sont souverains pour déterminer si une œuvre présente un caractère original ou non. Or, en matière de conditions générales de vente en ligne, il a été jugé dans une affaire récente, qu’elles ne répondaient pas au critère d’originalité requis pour être protégées par le droit d’auteur.

 

 

 

Pour la Cour, les conditions générales en cause n’offraient, ni dans leur forme, ni dans leur architecture, une quelconque singularité de nature à les distinguer d’autres textes juridiques ou notices techniques rencontrés sur le marché des produits de consommation courants. Aucune originalité ne pouvait non plus être accordée, selon les magistrats, sur le fond, dès lors que les rubriques et leur contenu étaient imposés par la chronologie de l’opération commerciale et par leur fonction contractuelle (préciser les obligations respectives des parties) (CA Paris, 24 octobre 2008, n°07-336).

 

Ce n’est dès lors par sur le fondement de la contrefaçon des droits d’auteur que la reproduction des conditions générales de ventes peut être valablement sanctionnée.

 

1.2           La responsabilité délictuelle civile

 

En l’absence de protection d’une œuvre par le droit d’auteur, son créateur n’est pas pour autant démuni face à sa reproduction sans autorisation. Ainsi, l’action en concurrence déloyale et/ou le parasitisme viennent compenser parfois ce refus de protection.

 

L’action en concurrence déloyale permet de sanctionner le comportement déloyal d’un concurrent qui utiliserait des moyens frauduleux pour détourner de la clientèle.

 

Le parasitisme économique s’entend du « fait pour un agent économique de s’introduire sur un marché, avec ou sans risque de confusion, mais en utilisant une valeur économique d’autrui, fruit d’un investissement, en argent ou en travail » (CA Versailles, 20 octobre 1993). Il s’agit dans ce cas de profiter indûment des investissements d’autrui, sans bourse délier.

 

Le parasitisme et la concurrence déloyale sont sanctionnés sur le terrain de la responsabilité délictuelle civile, c’est-à-dire sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Pour prospérer, il faudra donc démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

 

Dans l’affaire précédemment évoquée, une toute jeune société de vente en ligne de vêtements pour enfant avait reproduit et utilisé sur son site Internet les conditions générales de ventes de la société plus connue vente-privée.com.

 

Déboutée sur le terrain de la contrefaçon, la société vente-privée.com avait subsidiairement fait valoir que de tels agissements étaient, à tout le moins, constitutifs d’un parasitisme économique. En effet, cette reproduction des conditions générales de vente avait permis à sa concurrente de faire l’économie des services juridiques d’un avocat.

 

La Cour a suivi la société vente-privée.com sur ce terrain, en considérant que parmi les investissements que la société avait réalisés afin d’assurer sa crédibilité et son succès, figurait l’élaboration des conditions générales de vente.  Dès lors leur reproduction sans autorisation était bel et bien constitutive d’un acte de parasitisme économique. La concurrente a été condamnée à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts.

 

2.    La législation applicable en matière de vente en ligne

 

Outre le risque juridique attaché à l’utilisation du travail d’autrui, les conditions générales de vente en ligne doivent répondre à la réglementation en vigueur et éviter l’écueil de reproduire des clauses jugées abusives dans les rapports entre professionnels et consommateurs.

2.1 L’écueil des clauses abusives

Par clauses abusives, on entend, « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » (article L 132-1 du Code de la Consommation).

Or, les conditions générales de vente en ligne de sociétés renommées ne sont pas dénuées de telles clauses.

 

 A titre d’exemple, la société CDiscount a été attraite devant les tribunaux par l’association de défense des consommateurs, l’UFC que choisir, pour que le caractère abusif de certaines clauses soit reconnu et sanctionné.

 

CDiscount a été condamnée, entre autres choses, à modifier ses conditions générales de vente, et, à payer à l’association, en réparation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif des consommateurs, la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts (Tribunal de grande instance de Bordeaux, 1ère chambre civile, du 11 mars 2008).

 

Tel fût également le sort de la société Amazone.com qui fût elle-même condamnée à payer 30 000 euros de dommages et intérêts (Tribunal de grande instance de Paris 1ère chambre, section sociale Jugement du 28 octobre 2008)

 

Copier servilement les conditions générales de vente d’une société connue n’est ainsi nullement le gage de leur validité juridique.. D’ailleurs la législation en la matière est bien fournie et mérite une attention particulière.

 

2.2 La réglementation applicable

Les commerçants proposant la vente de biens ou services au moyen d’un magasin virtuel accessible par réseau de communication (site e-commerce) sont soumis à une réglementation bien précise :

 

·          aux dispositions légales de droit commun applicables aux relations d’affaires, lesquelles dépendent notamment de la qualité du cocontractant (professionnel ou consommateur). Il s’agit plus particulièrement des dispositions générales du Code du commerce, du Code civil, et du code de la consommation. Notamment le cybercommerçant est tenu de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. A défaut, il se rend coupable de travail dissimulé (TGI Mulhouse, jugement correctionnel du 12 janvier 2006, Ministère public c/ Marc W);

 

 

 

 

 

  • aux règles issues de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en cas de traitement de données à caractère personnel, comme c’est généralement le cas lors d’une vente en ligne,

 

  • aux règles spécifiques au commerce électronique c’est-à-dire plus précisément :

 

§         la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique transposant la directive « commerce électronique » n°2000/31/CE du 8 juin 2000,

 

§         l’ordonnance ayant transposé les directives européennes sur la vente à distance et le démarchage à domicile (ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001).

 

Ces textes ont été transposés dans les codes précités.

 

·          la Loi Chatel, adoptée le 20 décembre 2007, qui contient des dispositions spécifiques à la vente à distance et au commerce électronique qui sont entrées en vigueur  le 1er juin 2008.

 

Pour un certain nombre des textes applicables, leur non-respect est sanctionné pénalement.

 

3.    Conclusion

 

Si les investissements financiers paraissent parfois importants, les risques juridiques, liés au non-respect de la réglementation en matière de vente en ligne et à la compilation du travail d’un concurrent devraient être, quant à eux, dissuasifs …

 

Diane WALON-TOUSSAINT

Avocat 

dwalon@winlex.fr

 

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