LA PROBLEMATIQUE DES LIENS SPONSORISES par admin
Vous voulez rĂ©fĂ©rencer votre site, faites attention au choix des « mots clĂ©s » que vous allez « acheter ». Une fausse bonne idĂ©e consiste Ă choisir la marque dâun concurrent pour insĂ©rer un lien vers votre site destinĂ© Ă apparaĂźtre en bonne place sur la page de rĂ©sultats des moteurs de recherche !
Cette technique du positionnement payant (« position squatting ») est Ă lâorigine dâun grand nombre de contentieux initiĂ©s par les titulaires des marques ayant constatĂ© un usage illicite de celles-ci par des tiers.
Les victimes de lâutilisation abusive de leur marque par des concurrents, ont en effet le choix entre divers moyens pour faire cesser cette pratique abusive.
Voici un petit point de situation Ă ce jour.
1. Les terrains juridiques envisageables
Il nâexiste pas de dispositions spĂ©cifiques rĂ©glementant la pratique du positionnement payant. Ce sont donc les fondements juridiques classiques qui pourront ĂȘtre utilisĂ©s pour faire condamner votre concurrent indĂ©licat :
· délit de contrefaçon de marque
· action en concurrence déloyale, basée sur les articles 1382 et 1383 du code civil,
· dĂ©lit dâutilisation trompeuse ou de mauvaise foi dâune marque (article. 115-33 du Code de la consommation[1])
2. Les personnes responsables
Quel(s) que soi(en)t les) terrain(s) juridique(s) retenu(s) qui est responsable : lâannonceur et/ou le moteur de recherche?
A ce jour lâun et lâautre sont retenus comme responsables, mĂȘme si on peut relever que les actions Ă lâencontre des moteurs de recherche paraissent plus nombreuses que celles intentĂ©es Ă lâencontre des annonceurs (question de solvabilitĂ© peut-ĂȘtre ???).
Toutefois la tendance est dĂ©sormais dâassigner lâun et lâautre.
Encore récemment, un jugement rendu le 23 octobre 2008 par le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Home Ciné Solutions (HCS) et le moteur de recherche Google (éniÚme condamnation en France et dans le monde) à payer au total 100 000 euros à la société Cobrason sur le fondement de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse.
En lâespĂšce, il avait Ă©tĂ© relevĂ© par un huissier mandatĂ© Ă cette fin par la sociĂ©tĂ© Cobrason du 21 octobre 2005 que, « aprĂšs accĂšs au site Google.fr, entrĂ©e du terme recherchĂ© soit Corbason et cliquage, il apparaĂźt une page Ă©cran prĂ©sentant en premiĂšre position un rĂ©sultat accessible par le site www.corbason.com, en marge Ă droite duquel est associĂ© Ă titre de lien principal : MatĂ©riel HiFi Home CinĂ©ma, Pourquoi payer plus cher, Choix, QualitĂ© et service depuis 5 ans www.Homecinesolutions.fr ».
Google soutenait que sa responsabilitĂ© devait ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e conformĂ©ment Ă la directive europĂ©enne du 8 juin 2000 sur le commerce Ă©lectronique transposĂ©e au sein de la loi relative Ă la confiance dans lâĂ©conomie numĂ©rique par lâarticle 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, modifiĂ©e par lâarticle 6, alinĂ©a de la loi du 21 juin 2004 (rĂ©gime exonĂ©ratoire de responsabilitĂ© des prestataires techniques).
Le Tribunal a refusĂ© de qualifier le moteur de recherches « dâhĂ©bergeur » et donc de le faire bĂ©nĂ©ficier de la responsabilitĂ© allĂ©gĂ©e rĂ©sultant des textes susvisĂ©s. Il a au contraire estimĂ© quâen offrant la location dâespaces publicitaires moyennant finance, le moteur de recherches exerçait une activitĂ© de rĂ©gie publicitaire.
Le jugement a donc condamnĂ© solidairement Google et lâannonceur (HCS) sur les deux fondements suivants :
· la concurrence dĂ©loyale : « la prĂ©sence sur la mĂȘme page des rĂ©sultats de la recherche et des liens commerciaux engendre un risque de confusion pour un internaute dâattention moyenne, entre le site du lien commercial et le site ayant pour nom de domaine le mot-clĂ© utilisĂ© »
· la publicité de nature à induire en erreur : « en utilisant la dénomination sociale Corbason et le nom de domaine Corbason.com, pour diffuser une publicité relative à la société Home Ciné Solutions, engagé leur responsabilité au titre de la publicité de nature à induire en erreur ».
Mais le rĂ©gime de responsabilitĂ© pourrait bientĂŽt trouver une autre issue, car face aux positions divergentes adoptĂ©es par les diffĂ©rentes juridictions europĂ©ennes saisies de la mĂȘme question, les moteurs de recherche tentent de clarifier la question de leur responsabilitĂ© par les instances communautaires.
Ainsi le 20 mai 2008, la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© sâen remettre Ă la Cour de Justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes en lui posant trois questions prĂ©judicielles concernant la responsabilitĂ© du prestataire qui propose un service de rĂ©fĂ©rencement payant sur internet.
Les rĂ©ponses de la CJCE auront des rĂ©percussions sur toute la jurisprudence relative au Web 2.0, la qualification dâhĂ©bergeur Ă©tant au cĆur des questions posĂ©es.
3. Comment réagir ?
Avant dâexercer un recours judiciaire contre la pratique incriminĂ©e, il vous est possible de tenter dans un premier temps une dĂ©marche amiable :
· soit directement auprĂšs du concurrent indĂ©licat en lui Ă©crivant pour le mettre en demeure de cesser lâutilisation abusive de votre marque ;
· soit auprÚs du moteur de recherche, la plupart de ces derniers ayant une procédure permettant de formuler une réclamation contre ladite pratique (ex pour MSN voir la rubrique « Soumettre un problÚme de marque commerciale ») ;
· soit de combiner les deux démarches.
Si ces dĂ©marches restent sans effet la voie judiciaire sâimposera.
Il faudra au prĂ©alable vous constituer la preuve des agissements que vous allez dĂ©noncer et un constat dâhuissier devra ĂȘtre Ă©tabli, lequel devra impĂ©rativement contenir les mentions exigĂ©es par la jurisprudence pour que ce dernier ait force probante, c’est-Ă -dire:
· indiquer le cheminement adopté pour accéder aux pages litigieuses,
· identifier l’appareil Ă partir duquel l’huissier procĂšde au constat,
· identifier l’adresse IP utilisĂ©e par lâhuissier,
· matĂ©rialiser les pages visualisĂ©es par des captures dâĂ©cran et/ou par des impressions,
· indiquer que les cookies et la mĂ©moire cache de lâordinateur Ă partir duquel est effectuĂ© le constat ont Ă©tĂ© prĂ©alablement vidĂ©s.
Bonne surveillance de vos marques !
[1] « Les propriĂ©taires de marques de commerce, de fabrique ou de service peuvent s’opposer Ă ce que des textes publicitaires concernant nommĂ©ment leur marque soient diffusĂ©s lorsque l’utilisation de cette marque vise Ă tromper le consommateur ou qu’elle est faite de mauvaise foi. »